ECONOMIE CIRCULAIRE

8 Jan 2013

Donner une autre vie à un matériel onéreux et précieux pour la mobilité des enfants en situation de handicap.

LE REGARD VERS LA TURQUIE

Aujourd’hui, dans la boîte de réception de l’association, nous avons trouvé une lettre, une lettre que nous attendons depuis très longtemps. Elle vient de Özgür qui vit en Turquie.
Layla, la maman de Taylan, nous soutient de mille et une façons : dons pour notre brocante ou en matériel adapté lors de notre envoi en Algérie. En plus d’être très jolie, cette maman a un coeur en or. Nous sommes souvent allés la voir et avons beaucoup discuté avec elle. Elle nous a longuement parlé de Özgür et de sa famille : Ce petit garçon n’avait jamais connu la position debout, la position qui permet d’être à la hauteur de toutes les personnes qui l’entourent. Etre au sol au quotidien est une réelle difficulté pour se sentir comme les autres. C’est donc Layla qui nous a demandé s’il est dans nos possibilités de réaliser le souhait d Özgür : ETRE DEBOUT.

La difficulté à mettre en oeuvre cette action humanitaire est que le “petit garçon est grand”. Tous les motilos que nous avons pu récupérer jusqu’ici sont destinés à des enfants âgés de moins de 4 ans. Nous ne pouvons rester sur cet échec.

Et, Abracadaza ! Nous avons pensé à Elsa que nous avons rencontrée pour les besoins rééducatifs de Kemil pas loin de Toulouse il y a quelques années. Nous avons bien fait ! Grâce à ses contacts, elle a pu trouver l’objet tant convoité du côté de Rennes. Adeline et Marie-Julie prennent le relais sur place mais il suffit … d’aller chercher le motilo à plus de 200 kilomètres de Paris. Les délais étant courts, les disponibilités de chacunes n’étant pas toujours compatibles, 2 solutions s’offrent à nous : la voiture ou le TGV. Le train s’avère moins coûteux, le choix est fait, finance de l’association oblige ! L’aller est sans problème, léger et en sac à dos (dans le même wagon que les stars de Secret Story qui ont embarqué dans une jolie limousine arrivées à Rennes. J’aurai tant aimé leur emprunter, mon usage est plus utile à mon goût). Le retour est original. Il faut veiller à immobiliser le matériel, à bloquer les roues, à ne pas gêner les allers et venues des voyageurs. Heureusement que j’ai l’habitude d’attirer les regards (parce-que je suis une maman d’enfant extraordinaire) car beaucoup me pose des questions en voyant l’engin … sans parfois écouter la réponse. Bref, dès qu’on parle d’handicap, personne ne sait comment réagir. Arrivés à la gare de Montparnasse, le papa de Kemil est là pour porter cet étrange “velo sans pédales” qui a failli ne pas entrer dans la voiture. Pour la suite, nous vous laissons la découvrir au travers de cette lettre que nous partagons avec vous. Pas une seconde, nous regrettons ce périple. De Rennes à Paris, de Paris en banlieue parisienne, de banlieue parisienne au lieu de RDV avec le transporteur international, de ce camion en Turquie, de village en village, ce motilo a traversé des kilomètres, des montagnes.

Je m’appelle Özgür, j’ai 16 ans je vis en Turquie dans le village de NURHAK (tu peux regarder la carte pour te situer où se trouve mon village). Je suis atteint d’une maladie métabolique qui m’empêche de manger comme n’importe qui. Ma maladie est l’hypérargininémie, c’est une maladie très rare, mon corps ne peut pas absorber les protéines, seulement 11g par jour. Dans tous les aliments il y a des protéines sauf dans le sucre, le soda…, et je dois t’avouer j’adore le cola.

Je suis polyhandicapé, je ne peux ni marcher, ni parler, je n’ai jamais été debout.

Normalement dans une maladie métabolique on ne devient pas handicapé moteur mais dans mon cas, le diagnostic s’est fait très tard, j’avais 7 ans, jusqu’à cette âge mes pauvres parents m’ont nourri normalement et mon cerveau n’a pas supporté le trop de protéines.

Et voici mon petit frère Ali il a 10 ans, nous avons la même maladie métabolique, lui n’a pas de handicap physique grâce à mon diagnostic, mais il n’a jamais mangé normalement, il ne connait pas le goût des différents aliments, il est frustré à cause de ça.

Il va à l’école, il est très intelligent pour son âge, on peut lui demander n’importe quel jour dans le calendrier, il le sait. Nous nous nourrissions de la bouillie de maïzena et de sucre mélangé depuis des années…

Depuis l’année dernière grâce à l’aide de notre famille qui se trouve en France et grâce aussi aux parents de l’association « Les enfants du Jardin » nous recevons tous les semestres des colis alimentaires de produits hypo-protidiques, nous avons appris à manger, à ne plus faire de crises de nerfs car nous avions encore faim. Pour la première fois de sa vie mon petit frère a mangé du chocolat. Nos parents ne se cachent plus pour diner, nous partageons enfin des vrais repas de famille.

La nourriture était notre plus grand besoin, avoir un matériel adapté pour moi était un luxe que mes parents ne pouvaient m’offrir.

J’ai toujours été à quatre pattes, toujours par terre à jouer, à me rouler, à essayer d’attraper mon frère, à pleurer car tout le monde se trouvait dans une autre pièce de la maison, à être porté à bout de bras jusqu’à chez mes grands-parents…le plus difficile c’était pour mon père lorsque j’avais des rendez-vous à l’hôpital (hôpital qui se trouve à 5h en voiture), il me portait à bout de bras difficilement.

Je remercie du fond du cœur toutes les personnes qui ont participé à l’achat de mon fauteuil roulant.

Je pensais que j’avais déjà eu tellement de choses ; nourriture adaptée, siège adapté, et là je reçois ce motilo, un vélo rien qu’à moi, comme le disent mes parents, moi qui n’ai jamais été debout depuis que je suis né, c’est un pure Bonheur de pouvoir être au même niveau que mon petit frère. D’ailleurs je ne pensais pas que nous avions la même taille.

Même si je n’arrive pas à bouger mes pieds encore pour pouvoir avancer, je suis tellement heureux de pouvoir être comme tout le monde dans la position verticale.

Je te remercie Kemil, je remercie ta maman Sandra, ton papa Hakim, ton association « Kemil et ses amis » qui m’a permis de pouvoir être debout, je remercie aussi toutes les personnes qui ont participé de près ou de loin à la réalisation de ce projet.

Le motilo a parcouru beaucoup de chemin avant d’arriver à moi, dans mon village à 1500 mètres d’altitude…maintenant je peux dire que je porte bien mon nom, je suis LIBRE.

Merci encore à toutes les personnes qui m’ont permis d’être un peu autonome, à bientôt Kemil.

Share This